Intriguée par la chronique de Mathilde, du blog Critiques d’une lectrice assidue, j’avais bien envie de découvrir ce roman où le culte des réseaux sociaux est mis à mal, où les apparences sont déjoués. Je vous présente aujourd’hui Les enfants sont rois de Delphine de Vigan.

L’histoire

« Même dans les drames les plus terribles, les apparences ont leur mot à dire. »
Mélanie, qui a grandi dans le culte de la téléréalité, n’a qu’une idée en tête : devenir célèbre. Mais son unique apparition à l’écran tourne au fiasco. Quelques années plus tard, mariée et mère de famille, elle décide de mettre en scène le quotidien de ses enfants sur YouTube. Le succès ne se fait pas attendre, et la voilà bientôt suivie par des millions d’abonnés. Jusqu’au jour où sa fille disparaît.
Des années Loft Story aux années 2030, marquées par le sacre des réseaux sociaux, Delphine de Vigan explore les dérives d’une époque où l’on ne vit que pour être vu.

Mon avis

Avec Les enfants sont rois, nous suivons Mélanie, maman et youtubeuse à succès. C’est même la meilleure dans son domaine, sa chaîne familiale Happy Récré cartonne sur la plateforme ! Pourtant, un évènement vient tout bouleverser, sa fille de 6 ans disparait, certainement enlevée. C’est à travers l’enquête de police et parfois avec le regard de Clara, membre du Bastion, que nous découvrons l’envers du décor d’une telle notoriété. L’intrigue met en avant la surexposition des enfants sur les réseaux sociaux. Un phénomène dont je connaissais l’existence, mais dont je n’avais pas mesuré l’ampleur, et c’est effrayant. Car si, sur les vidéos tout porte à croire que les enfants s’amusent et sont choyés, on découvre que la pression qu’ils subissent est éprouvante. Au début ce n’est qu’un jeu, quelques minutes devant la caméra. Mais à six ou huit ans, je doute qu’on prenne réellement la mesure d’une telle activité. Surtout quand elle devient la principale source financière de la famille, suite à de nombreux contrats avec des marques influentes. Les quelques minutes par semaine deviennent donc des heures par jour, où tout est millimétré. Où il faut sourire, jouer et répéter les phrases apprises avec maman pour faire plaisir à sa communauté. Au revoir le naturel, il faut être parfait.

Pendant l’enquête, on découvre l’évolution de Mélanie et de sa chaîne, son utilisation des réseaux, ses débuts. On pourrait éprouver une certaine tristesse pour cette personne, face à la solitude qu’elle éprouvait avant de commencer. Mais non, mes sentiments se sont tournés vers ses enfants. En plus du rythme des tournages qu’ils doivent supporter, on peut se questionner face à l’abondance de vêtements, de jouets, de gadgets en tout genre qui afflue dans cette famille. D’ailleurs, Clara, de l’équipe policière, le fait très bien. Faut-il tout posséder pour être comblé ? Avoir les derniers jouets et jeux vidéos, être toujours à la pointe de la mode ? Mais on peut aussi se demander quels sentiments éprouvent ceux qui regardent les vidéos. Les plus jeunes spectateurs ne risquent-ils pas de développer un complexe d’infériorité face à ces enfants stars qui semblent, en apparence, ne manquer de rien et être les plus heureux ? Ce livre dévoile tout le mal-être qui peut découler de ce bonheur mis en scène et programmé. C’est donc par l’étendue de ces sujets que je me suis laissée entrainer, car je l’ai dévoré en un rien de temps.

A mi-chemin entre roman policier et reportage fictif, Delphine de Vigan offre une histoire vraiment réaliste, en l’accompagnant de références bien ancrées dans notre monde. Comme l’affaire Alexia Daval, celle du petit Grégory ou encore l’émission Loft Story. D’ailleurs, les références à la télé-réalité sont nombreuses, et pas besoin d’être un fan du genre pour les reconnaitre. Ses personnages, Mélanie et Clara, ont grandit avec ces émissions à succès. Sauf que l’une d’elles a vu à travers son écran, un aboutissement, le but d’une vie. Mais n’ayant pas eu l’occasion de concrétiser son rêve, elle a rejeté son besoin sur ses enfants des années plus tard. Délaissant ainsi son rôle de parent pour prendre celui d’agent. L’auteure n’hésite pas à faire le lien entre les programmes diffusés depuis le début des années 2000 et la quête de reconnaissance virtuelle d’aujourd’hui. C’est un parallèle qui peut paraitre surprenant, pourtant, en suivant le cheminement de cette histoire, on comprend à quel point ces deux univers peuvent être liés.

Par son réalisme, ce roman a déclenché chez moi des sentiments complexes, entre stupeur et désolation. L’auteure soulève bien des questions concernant les enfants influenceurs. Notamment les risques que ça implique, que ce soit dans leur quotidien ou pour leur développement. Une lecture efficace, que je garderai certainement longtemps en mémoire.

L’histoire sera prochainement adaptée en série chez Disney+, vous êtes tentés ?

« Les enfants sont rois » de Delphine de Vigan.
Éditions Gallimard, 2021.