Il y a parfois dans la vie, des évènements qui bouleversent tout notre équilibre. Dans son roman Soixante-douze heures, l’auteure Marie-Sophie Vermot retranscrit l’un des plus grands bouleversements qui peut arriver dans la vie de n’importe quelle jeune fille : un enfant à naître.

L’histoire
Soixante-douze heures, c’est le temps dont dispose lrène pour revenir sur la décision qu’elle a prise un matin de septembre, pendant un devoir de maths : celle d’accoucher sous X. Dans le silence de sa chambre d’hôpital, elle chasse l’air de ses poumons, puis reprend une inspiration et le chasse à nouveau, avec plus de vigueur cette fois. Par bribes, les souvenirs affleurent, qui reconstituent son histoire. Ces derniers mois, ces dernières années. Sa rencontre avec ce garçon, fasciné par son ultrafinesse, le lycée, sa mère, les secrets de famille. Malgré ses efforts, Irène est habitée par cette voix qui la poursuit et lui rappelle que ce bébé qu’elle vient d’expulser de son corps est le sien pour la vie. Tout se mêle, c’est le chaos dans son crâne. Et l’heure approche.
Mais cette décision lui appartient à elle, et à personne d’autre.
Mon avis
Irène semble être une adolescente bien sous tous rapports, qui ne fait pas de vague. De bonnes notes, discrète, calme et réfléchie. Seulement voilà, Irène est enceinte. Une grossesse non désirée pour laquelle la jeune fille décide d’accoucher sous X. Ce roman débute alors qu’elle vient de mettre au monde un bébé qu’elle ne verra certainement jamais grandir. De pages en pages, depuis la chambre de la maternité, Irène nous livre les souvenirs qui la hantent. Elle fait le point sur sa grossesse, ses peurs, ses doutes et les répercussions d’une telle nouvelle au sein de son foyer. Dans soixante-douze heures, elle devra statuer sur le futur de son enfant.
J’ai beaucoup aimé la manière dont le présent et le passé s’imbriquent à travers les paragraphes. Comme peuvent le faire nos propres pensées. Irène fait le lien entre différents évènements qui l’ont marquée, qu’ils aient eu lieu il y a plusieurs années ou quelques semaines de cela. Elle nous livre l’épreuve traversée au cours des neuf derniers mois, comment elle a vécu cette grossesse, le lien avec son bébé, l’annonce faite à ses proches, les réactions de son entourage. Elle met d’ailleurs en lumière les phrases (assassines) qui reviendront régulièrement à son oreille, chacun se permettant d’offrir une petite remarque sur sa décision. Des réflexions telles que “Si j’étais toi, je réfléchirais à deux fois” qui ne font que renforcer le sentiment de culpabilité dans une situation déjà émotionnellement chargée, alors qu’abandonner un enfant n’a évidemment rien de simple.

Je pose alors mes mains sur mon ventre. […]
Chapitre : Jeudi 16 avril – 5h30
Je sens des mouvements de rotation soudaine qui m’inquiètent et m’enchantent tout à la fois et je me demande si mon bébé devine qu’il n’y en a plus pour longtemps. Si lui aussi a peur, à cause de ce que j’ai décidé.
Mais au delà des questions d’avortement, de grossesse et de séparation, le roman Soixante-douze heures traite également du lien parents/enfant. L’annonce d’Irène va faire voler en éclat l’image fantasmée qu’elle avait de sa famille. Entre non-dits, mensonges et ressentiments, elle va découvrir des vérités qui n’auraient peut-être jamais explosées sans l’arrivée imminente de son bébé. Et il aura fallu à Irène de vivre cette situation pour admettre et comprendre tout le mal que lui inflige l’emprise toxique qu’entretient sa mère sur elle. Car non, la parentalité ne donne pas tous les droits, un enfant n’est pas seulement la somme des envies et caprices de ses parents.
J’ai été touchée par le vécu de cette enfant, la vision qu’elle pose sur sa propre personne, façonnée par un cadre familiale où le regard des autres importe plus que le bien-être, un cadre qu’elle pensait être la norme pendant plusieurs années. J’ai été touchée par sa recherche perpétuelle d’approbation de la part de ses parents, rarement satisfaits, toujours très critiques. Sa peur aussi de ne plus être aimée, le regard acéré de sa mère sur ses capacités. Ce sont autant de sentiments qui joueront un rôle primordial sur la femme, et peut-être la mère, qu’elle deviendra.
Adolescente ou non, ce roman destinée à la jeunesse s’accorde pourtant à toutes. Un beau récit sur un sujet sensible, une belle opportunité de rappeler qu’une grossesse non désirée ne doit pas être une honte. Et peu importe les décisions qui en résultent, ces choix nous appartiennent et des personnes avenantes seront toujours prêtes à nous accompagner.
Vous connaissez ce livre, cette auteure ?
“Soixante-douze heures” de Marie-Sophie Vermot.
Editions Thierry Magnier, 2018.
Je n’ose imaginer les tourments que ces mères doivent vivre…
Oh oui, c’est un choix qu’il faut porter toute sa vie. Et même si le roman se concentre principalement sur les mois qui précèdent cette décision, on sent bien que le personnage a conscience, même à son âge, que rien ne sera plus comme avant.
Il aurait été facile de tomber dans le pathos, et manifestement, l’auteure a évité cet écueil. Je te remercie pour la découverte, et si je tombe dessus, je n’hésiterai pas !
Effectivement, ça aurait pu tomber dans la facilité mais j’ai trouvé le mélange d’émotions bien dosés. C’est une situation difficile et pourtant Irène nous partage aussi des beaux souvenirs et ses rêves pour son futur enfant. Contente que ma chronique t’ais plu, merci à toi ! En espérant que tu l’aimeras si tu le découvres😊
Je ne connaissais pas mais le sujet est intéressant ! merci pour la découverte
Avec plaisir Céline. 🙂
Je ne connaissais pas ce roman mais je trouve important qu’on aborde ce thème de la grossesse non désirée mais aussi l’emprise de certains parents sur leurs enfants. On ressent une belle empathie de ta part pour cette adolescente qui doit faire un choix difficile, mais qui n’en demeure pas moins un choix légitime.
Merci Audrey ! C’était une lecture touchante, qu’il soit question de son bébé ou de sa famille. Irène m’a paru à la fois très réfléchie dans cette situation, mais aussi attendrissante, on sent que l’enfance n’est pas loin et qu’elle a grandi bien vite avec cette grossesse. Je trouve ça bien qu’un roman jeunesse traite de ces deux sujets, la grossesse et la relation toxique avec les parents, il pourrait certainement aider des jeunes filles, et pourquoi pas des jeunes hommes, à parler si besoin. 😊
Je le pense aussi, la littérature pouvant être libératrice et permettre de réaliser certaines choses..
Exactement, il suffit d’un petit plus parfois. 😊
Content de voir que, malgré la sensibilité du sujet, l’auteure soit parvenue à te toucher et ne pas tomber dans le mélodrame.
Surtout que cette situation n’est pas si peu commune et que le risque zéro n’existe pas.
Exactement ! C’est une situation auquel nous pouvons tous être confrontés, que ce soit dans un couple, ou par une proche. Une épreuve pour laquelle on a besoin de soutien, et non de critiques gratuites. C’est vrai qu’avec ce thème, l’histoire aurait pu tourner à la mièvrerie mais j’ai trouvé que c’était bien dosé. Il y a des mauvais souvenirs et des doutes, ce qui parait crédible vu le poids émotionnel de la situation, mais Irène partage aussi de beaux souvenirs, comme avec ses grands-parents par exemple, ou encore ses espoirs concernant son bébé. C’était touchant. 🙂